Agression sexuelle et harcèlement sexuel ?
Ces deux expressions ont des significations et une portée juridique différentes. Et les sanctions légales encourues varient selon que les faits relèvent de l’une ou de l’autre. Dans une situation de violence sexuelle, il convient donc de savoir quelle est l’expression à utiliser pour qualifier correctement les faits qui ont eu lieu.
De plus, utiliser les bons mots permet de rendre perceptible la gravité des faits.
Nomme-t-on mal les violences sexuelles ?
La juriste Caroline De Haas observe que, lorsqu’il s’agit de parler des différentes violences sexuelles faites aux femmes et aux filles, toute une série de termes peu adéquats sont utilisés : abus, attouchements, comportement déplacé, etc.
Elle note que ces mots sont vagues et ne permettent pas de se représenter concrètement la nature des faits. Lorsqu’on dit qu’une personne a eu un « comportement déplacé », il est impossible de se représenter exactement ce qui a eu lieu, chacun·e pouvant en effet s’imaginer des choses bien différentes et ayant un degré de gravité variable.
La juriste indique également qu’utiliser ces termes peu précis atténue la gravité des faits, rendant leur description plus douce et gentille que les faits eux-mêmes. C’est le cas lorsqu’en français, par exemple, on parle du « phénomène des frotteurs », nommant ainsi le fait que, dans les transports en commun, des personnes profitent de la foule présente pour toucher une voyageuse ou un voyageur, sans son consentement et avec une connotation sexuelle. Cela peut aussi consister à toucher l’une des parties sexuelles d’une autre personne ou encore à mettre l’une de ses propres parties sexuelles en contact avec le corps de quelqu’un·e.
L’acte est violent, mais le mot « frotteur » le rend presque gentil, selon ce que fait remarquer Caroline De Haas.
« Abus sexuel » est une autre des expressions inadéquates utilisées pour parler de certaines violences sexuelles. Parler d’abus sexuel pourrait laisser supposer qu’il existerait une dose à laquelle le comportement ainsi qualifié serait acceptable et que, passé cette dose, on tomberait alors dans l’abus. Et qu’alors là, ce même comportement ne serait plus acceptable. C’est donc, ici encore, une manière de minimiser les faits.
Quelles sont les conséquences ?
Minimiser et banaliser les violences sexuelles à l’égard des filles et des femmes a des conséquences. D’une part, lorsqu’on utilise des mots qui adoucissent la réalité, cela conforte les auteur·rice·s de ces violences dans l’idée que ce qu’iels ont fait n’est pas si grave, qu’iels peuvent donc continuer et le (re)faire sans culpabiliser et qu’on ne les blâmera pas pour cela.
D’autre part, cela accroît le risque qu’on ne prenne pas la plainte de la victime au sérieux, voire qu’on l’accuse d’exagérer les faits ou leur portée, ou encore d’avoir causé la violence commise. Enfin, banaliser les violences faites aux femmes et aux filles peut avoir pour effet qu’on finisse par les percevoir comme étant normales et que même les victimes renoncent à s’en plaindre ou à y réagir.
Or ces violences peuvent avoir un impact réel sur leur vie, leur vie affective et sexuelle, leur estime de soi, leur sentiment de sécurité (dans la sphère publique ou privée), l’exercice de certains des droits humains ou encore leurs ressources, leur santé, santé mentale, etc.
Comment bien nommer les violences sexuelles ?
Afin de pouvoir nommer convenablement ces violences, rendre compte de leur gravité et lutter contre elles, notamment au niveau juridique, Caroline De Haas invite à l’utilisation des termes appropriés que sont « agression sexuelle » et « harcèlement sexuel ». Sont qualifiées de harcèlement sexuel toutes les violences sexuelles qui ne comportent pas de contact physique entre l’auteur·rice de la violence et sa cible. Et sont qualifiées d’agression sexuelle toutes les violences sexuelles qui comportent un contact physique entre l’auteur·rice et la victime.
Pour approfondir
C. Wernaers, "Dispute et crime passionnel. Comment les médias minimisent les violences envers les femmes ", Axelle Mag, 2017, disponible sur https://www.axellemag.be/medias-minimisent-violences-femmes/, consulté le 10/07/2023.